La Belle Epoque
Au XIXe siècle, cette tranquillité si proche de Paris, y attire nombre de personnalités littéraires (Dumas fils qui y a écrit la « Dame aux Camélias », Tourgueniev ses poèmes en prose et son dernier roman « Terres Vierges », …) et artistiques (Renoir, Monet, Sisley, J.L. Gérôme, P. Viardot, G. Bizet qui y a composé « Carmen », …) qui parfois s’y fixeront.
La côte de la Jonchère longe le vallon de Bougival, indissociable du microcosme artistique, ouvert sur la Seine face à Croissy dont le sépare l’Ile de la Chaussée.
Turner repère dès 1830 la beauté du site et dessine la foule bigarrée qui attend le passeur pour Croissy.
Alexandre Dumas fils y rencontra Marie Duplessis, qu’il immortalisa sous le nom de Marguerite Gautier dans “La Dame aux Camélias”.
Plus tard c’est à Monet que l’on devra la vision du pont toute mouchetée de soleil.
Le cénacle des paysagistes s’attable chez Souvent (futur restaurant de l’Hôtel de l’Union).
Corot et ses amis, Célestin Nanteuil, patriarche du canotage, et Louis Français qui se dit « élève de Bougival », sont à l’origine de cet engouement.
Les années 1869-1870 rassemblent la pléiade des impressionnistes entre la Jonchère et Voisins, hameau de Louveciennes. Sur le coteau, les terres de Bougival et de Louveciennes s’imbriquent dans la châtaigneraie de la Celle Saint-Cloud, sujet des premières toiles de Sisley en 1865.
Monet résidera 15 mois à St-Michel de Bougival, hameau d’où l’on descend au fleuve en un quart d’heure.
Pendant l’été 1869, Renoir passe chez Monet le plus clair de son temps, car il habite à deux pas chez ses parents.
La guerre avec la Prusse puis les affrontements entre la Commune et le gouvernement de Versailles frappent de plein fouet cette banlieue heureuse.
Les villas abandonnées sont pillées.
Le Bougival d’après-guerre redevient un amalgame d’artistes de toutes obédiences, l’italien Giovanni Boldini, Jean-Léon Gérôme, gloire officielle du Salon, dont la propriété se trouve quai Boissy d’Anglas.
Georges Bizet composa “Carmen” dans sa maison au bord de la Seine, où il devait mourir peu après.
Une autre personnalité séductrice du monde musical, Pauline Viardot, s’est établie en 1876 aux Frênes. Son fidèle admirateur, le romancier Ivan Tourgueniev fait construire dans le parc une datcha bientôt envahie par l’étourdissante colonie russe de Paris. Le plus impressionniste des écrivains slaves laisse des images que ne renieraient ni Sisley, ni Monet, ni Morisot : « Moi pour travailler, il me faut l’hiver, une gelée comme nous en avons en Russie, un froid astringent avec des arbres chargés de cristaux ».
Pour Berthe Morisot, qui demeurera pendant la belle saison à Bougival (1881-1884), ce sera les moments les plus heureux de sa vie, confiera-t-elle à sa fille, lorsqu’elle évoquera cette époque. Voici cette petite Julie, avec son père, avec sa bonne Pasie, tantôt fascinée par une fable, tantôt absorbée dans un jeu.
Ce Bougival de Berthe Morisot ne s’inspire ni de la topographie ni de la vie mondaine, c’est un climat où la brillance des fleurs, le velouté des meules, la grâce égoïste de l’enfance effacent les moments de deuil.
Renoir avec sa « Danse à Bougival » balaiera les vagues de tristesse pour accorder à jamais ce nom à l’idée d’éternelle gaieté.